Le monde crie

Matthieu 20
29 Lorsqu’ils sortirent de Jéricho, une grande foule suivit Jésus.
30 Deux aveugles, assis au bord du chemin, entendirent que Jésus passait et crièrent: «Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David[1]!»
31 La foule les reprenait pour les faire taire, mais ils crièrent plus fort: «Aie pitié de nous, Seigneur, Fils de David!»
32 Jésus s’arrêta, les appela et dit: «Que voulez-vous que je fasse pour vous?»
33 Ils lui dirent: «Seigneur, que nos yeux s’ouvrent.»
34 Rempli de compassion, Jésus toucha leurs yeux; aussitôt ils retrouvèrent la vue et ils le suivirent.

Le monde crie très fort. Il crie : « Pitié, pitié ! »
Mais très peu, trop peu de monde entend le cri.
Le monde crie : « les hommes s’entretuent. Ils se haïssent. Ils se détestent. Ils se méprisent mutuellement. Pitié, pitié ! »
Le monde crie : « la nature souffre. Les mers, les forêts, les animaux souffrent ».
Le monde crie : « N’y a-t-il pas de dieu quelque part ? Qui peut nous sauver de nous-mêmes ? »
Jésus répond : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et le monde se tait. Silence. Il ne sait pas quoi dire. Et Jésus reprend : « Est-ce que je vais t’ouvrir les yeux ? » Après un moment de silence, le monde répond : « Ah, ça. Ah, non. Merci, c’est gentil. Vaut mieux pas… »
Il ne veut pas ouvrir les yeux, le monde. Ouvrir les yeux, cela voudrait dire faire face.
Il faudrait regarder de près. Affronter des difficultés. Changer radicalement notre mode de vie, notre manière de nous organiser. Les mentalités. Se repentir.
Ouvrir les yeux entrainerait la métanoïa. Terme grec qui signifie « Changer radicalement ».
Mais le monde, apparemment, ne veut pas changer.
La tâche nous revient alors à nous qui connaissons Jésus. Tout d’abord, il nous faut crier sans cesse à Dieu. Crier à la place d’un monde qui se contente de hurler, mais qui, manifestement, ne veut pas ouvrir les yeux parce que, ouvrir les yeux voudrait dire affronter les inégalités et réduire drastiquement la consommation dans tous les domaines.
La tâche nous revient alors à nous qui crions et qui entendons ensuite Jésus dire : « Que veux-tu que je fasse ? » La bonne réponse selon Matthieu, c’est, « Ouvre-moi les yeux ! ».
Quand nous les ouvrons, c’est la grande surprise. Un grand soulagement d’abord :
Ah ! C’est le Christ qui a sauvé le monde. Ce n’est pas à moi de sauver le monde. Certes, je ne comprends pas comment il l’a fait, mais j’y crois fermement.
Parce que, si je suis libéré de la lourde et impossible tâche de sauver tout et tout le monde, je suis vraiment libre. Libre de changer ce que je peux changer et surtout libre de ne pas désespérer face à mon impuissance.
Quand j’aurai compris cela et quand, enfin, je me serai remis de mon étonnement, viendra alors le moment de vérité. Je commencerai à voir autrement, je serai renouvelé.
Dieu m’aura ouvert ce que l’épître aux Éphésiens appelle les yeux du cœur.
Quand on voit avec les yeux du cœur, on regarde autrement.
Nous vivons dans une période nébuleuse de l’histoire, la lumière devient pâle.
C’est la pénombre permanente. Il faut être vigilant, attentif.
Nous sommes constamment distraits pour ne plus voir l’essentiel,
c’est même le mot clé de notre époque : la distraction.
D’anciennes certitudes vacillent. Dans une telle situation, il faut soigner les yeux de son cœur. C’est eux seuls qui arrivent à discerner quelque chose dans la pénombre ambiante. Discerner ce que je peux faire et ce que je dois laisser à d’autres.
Si les yeux de notre cœur ne sont pas grand ouverts, nous échouons. Les tentations sont trop fortes. « Ouvre-moi les yeux ! » C’est la prière de chaque jour. C’est MA prière de chaque jour. Si Jésus a sauvé le monde à la croix une fois pour toutes, il doit sauver ma petite vie chaque jour des forces qui tirent dans toutes les directions possibles.
Matthieu ne cache pas que l’opposition se lève quand quelqu’un dit cette prière :
Dans le récit, les gens rabrouent les deux aveugles : « Taisez-vous ! » C’est un élément très important. Le monde n’aime pas les gens qui ont les yeux ouverts. Les hommes et les femmes aux yeux ouverts rappellent qu’une autre vie est possible. Une vie qui compte sur la présence de Dieu. Une vie plus modeste, plus satisfaisante aussi. Une vie respectueuse, discrète et disponible. Mais pour vivre cette vie, il faudrait changer radicalement.
Soyons honnêtes. Qui voudrait vraiment changer ?
Amen

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